Le cerveau migraineux, trop sensible à la rouille?

Par Dre Elizabeth Leroux • Le 17 mai 2017


Le stress oxydatif est peut-être le point commun entre les déclencheurs.

Glutamate monosodique, alcool, hypoglycémie, effort mental, pollution, manque de sommeil… Si vous êtes migraineux, peut-être reconnaitrez-vous ces déclencheurs de crise.

Fait connu : Les déclencheurs varient d’une personne à l’autre et s’additionnent les uns aux autres. Certains médecins ont aussi observé que plusieurs déclencheurs sont des choses qui seraient, en grande quantité ou intensité, toxiques pour le cerveau.

D’autres chercheurs ont aussi proposé que la migraine, qui est en partie génétiquement déterminée, serait dans certains cas associée avantage évolutif. Le migraineux serait plus sensible à des choses toxiques et les éviterait en adoptant un comportement d’évitement.

Comment les déclencheurs agissent-ils sur le cerveau migraineux? Ont-ils un mécanisme d’action commun?

Dr Borkum, un psychologue PhD exerçant dans le Maine, a récemment publié un article et un livre sur ce sujet. Il propose une théorie intéressante, soutenue par une revue de littérature très complète: les déclencheurs augmenteraient le stress oxydatif dans le cerveau, ce qui exciterait certains récepteurs et déclencherait éventuellement la crise de migraine.

Qu’est-ce que le stress oxydatif?

OK, une minute. Le stress QUOI???

Nous sommes tous faits d’atomes constitués de charges positives (protons) et négatives (électrons). Si un atome perd un électron, il devient oxydé et ses caractéristiques changent. Le meilleur example: si le fer, un beau métal gris brillant et solide, s’oxyde (au contact de l’eau par exemple), il devient orange et cassant.

Dr Borkum explique, pour chaque déclencheur, comment la cascade chimique mène à un surplus d’oxydation dans le cerveau. On appelle ce phénomène le «stress oxydatif» car ceci bouscule l’équilibre chimique et électrique du cerveau. Les phénomènes d’oxydation font partie du fonctionnement normal du cerveau, mais lorsqu’il y a un excès, ils peuvent devenir toxiques. Un peu comme l’inflammation, qui a un rôle très important dans le contrôle des infections et la guérison des tissus, mais peut devenir nocive si elle persiste ou s’attaque à des tissus sains.

Comment le stress oxydatif déclencherait-il une crise?

Dans le cerveau, nous avons des milliers de récepteurs chimiques qui reconnaissent telle ou telle molécule. Le récepteur TRPA1 est sensible aux molécules oxydées, et pourrait être responsable du déclenchement de la cascade migraineuse.

Je n’entrerai pas dans les détails chimiques de chaque déclencheur, mais cette intéressante théorie plaît à l’esprit et correspond bien à la réalité des migraineux.

Un autre fait fascinant: l’arbre à migraines

Le laurier de Californie est connu depuis des centaines d’années pour son pouvoir migraineux. Cet arbre émet une odeur particulière qui déclenche des crises migraineuses. En 2012, des chercheurs ont identifié la molécule responsable, qui stimulait les récepteurs TRPA1!

Une théorie qui reste à démontrer et à tester

Cette théorie n’explique pas, cependant, pourquoi certaines personnes sont seulement sensibles à certains déclencheurs et pas à d’autres. En rappelons qu’il s’agit d’une théorie, pas d’une réalité absolue!

Évidemment, cette sensibilité particulière du cerveau migraineux est peut-être protectrice dans certains cas (en nous empêchant de manquer de sommeil et de faire des excès d’alcool ou de fast food), mais pour la plupart des migraineux les crises surviennent même avec un rythme de vie très régulier et une absence totale d’excès. Que faire dans ce cas?

Certains d’entre vous seraient peut-être tentés d’utiliser des anti-oxydants pour contrôler les migraines. Cette approche n’a jamais été testée scientifiquement! Donc OK pour les bleuets et le chocolat noir parce que c’est bon, mais la preuve reste à faire! Rappelez-vous que ce n’est pas parce qu’on mange un aliment anti-oxydant qu’il y a nécessairement un effet sur le cerveau.

Le recherche se poursuit, mais je trouvais intéressant de partager cette nouvelle vision du cerveau migraineux avec vous!

–Dr Elizabeth Leroux, MD, FRCPC (spécialiste en médecine des céphalées)

Références

  • Borkum, J., Migraine Triggers and Oxidative Stress: A Narrative Review and Synthesis, Headache 2015; 56:12-35
  • Nassini, The ‘headache tree’ via umbellulone and TRPA1 activates the trigeminovascular system, Brain 2012; 135:376-390

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2 Commentaires
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Marie-Lyne Guérin
Marie-Lyne Guérin
il y a 6 années

Très bel article, expliqué d’une manière simplifiée qui me permet de comprendre les nouvelles théories scientifique, merci Dr Leroux.

Natasha
Natasha
il y a 6 années

Merci Dre Leroux! C’est rassurant de savoir que même si vous quittez (ou prévoyez quitter???) le Québec, vous continuez à nous documenter, à nous soutenir! Un grand merci à vous!